passer au contenu principal
+33 1 45 00 76 18

Impression visuelle d’ensemble et risque de confusion

  • La Cour d’appel de Paris juge que le critère d’appréciation retenu par l’article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle, soit l’impression visuelle d’ensemble produite sur l’observateur averti, n’est pas strictement identique à celui retenu pour la concurrence déloyale, soit le risque de confusion.
  • Cet arrêt s’inscrit dans le sillage de précédentes décisions portant sur l’appréciation de la contrefaçon d’un dessin ou modèle par rapport à celle de la concurrence déloyale et vient préciser les notions d’impression visuelle d’ensemble produite sur l’observateur averti d’une part, et de risque de confusion, d’autre part.
  • En raison de la proximité de ces deux critères, il convient de bien les distinguer afin d’éviter d’éventuelles difficultés d’appréciation.

CA Paris, pôle 5, 1re ch., 20 nov. 2018, n° 17/18198 : JurisData n° 2018-021445

NOTE : La solution dégagée par cet arrêt, statuant sur renvoi après cassation, paraît aller de soi.

La Cour de cassation rappelle en effet périodiquement qu’il n’y a pas lieu, pour apprécier la contrefaçon d’un dessin ou d’un modèle, de rechercher s’il existe un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne, la notion de risque de confusion étant étrangère au droit des dessins et modèles, comme elle est étrangère au domaine du droit d’auteur (Cass. 1re civ., 15 mai 2015, n° 13/28116. – CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 2 févr. 2017, n° 15/04457 : JurisData n° 2017-026560. – Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-22.013 : JurisData n° 2008-043353 ; Propr. industr. 2008, comm. 44, F. Greffe. – Cass. com., 15 juin 2010, n° 08-20.999 : JurisData n° 2010-009652 ; Comm. com. électr. 2010, comm. 120, C. Caron).

Mais encore faut-il, en l’absence de risque de confusion entre deux modèles, que les juges du fond expliquent, s’ils retiennent par ailleurs la contrefaçon, en quoi le modèle incriminé est susceptible de produire sur l’observateur averti une même impression d’ensemble du modèle déposé.

C’est ce que la Cour de cassation avait jugé en reprochant, dans cette même affaire, à la cour d’appel de Paris saisie une première fois en 2015 (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 27 mars 2015, n° 12/03021), d’avoir condamné une société pour contrefaçon de modèle (il s’agissait de modèles de boîtiers multimédias) sur le fondement de l’article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle alors « qu’elle avait écarté les actes de concurrence déloyale fondés sur les mêmes faits en considérant qu’il existait entre les boîtiers des différences telles que la reprise des caractéristiques essentielles du modèle déposé n’était pas de nature à susciter un risque de confusion dans l’esprit du public, ce dont il résultait que le modèle incriminé était susceptible de produire sur l’observateur averti une impression d’ensemble différente du modèle déposé » (Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-21.286 : JurisData n° 2017-010675 ; PIBD 2017, n° 1076, III, p. 559).

Cet arrêt de la Haute Juridiction ne signifiait pas pour autant que le critère d’impression d’ensemble, applicable pour apprécier la contrefaçon, était identique à la notion de risque de confusion, retenue en matière de concurrence déloyale, mais seulement qu’en l’absence de risque de confusion constaté, la cour d’appel aurait dû mieux s’expliquer sur les raisons qui l’avaient conduite à retenir la contrefaçon.

C’est ce qu’a fait la cour saisie sur renvoi après cassation dans l’arrêt commenté pour finalement écarter la contrefaçon.

La cour rappelle tout d’abord que l’impression visuelle globale n’est pas strictement identique au risque de confusion, la première s’appréciant au regard de l’utilisateur averti et non du consommateur d’attention moyenne.

Les deux notions sont en effet bien distinctes et cette solution est conforme aux dispositions de l’article L. 511-1 du Code de la propriété intellectuelle qui précise que peut-être protégée « l’apparence d’un produit ou d’une partie d’un produit », ce qui implique que la contrefaçon d’un dessin ou d’un modèle peut résulter de la copie partielle d’un produit. Si la copie n’est que partielle, il est vraisemblable qu’il n’y aura pas de confusion entre le modèle déposé et le produit contrefaisant. Cette méthode d’appréciation de la contrefaçon résulte en outre de sa définition même, la contrefaçon étant, aux termes de l’article L. 521-1 du Code de la propriété intellectuelle « toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou d’un modèle, tels qu’ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8 [du Code de la propriété intellectuelle]… ».

D’autre part, la cour d’appel prend le soin de relever que « les caractéristiques invoquées peuvent être rattachées à une communauté de style de boîtiers multimédias, et leur agencement comme leur présentation peuvent s’expliquer par les modalités d’utilisation comme par les fonctions de l’appareil » de sorte que « ces caractéristiques, dont la reprise par le boîtier [de la société défenderesse] relèveraient de la contrefaçon, étaient connues de l’utilisateur averti,… adepte des jeux vidéos ou utilisateur de tels boîtiers multimédias,… [qui] connait l’apparence de tels boîtiers ».

Elle constate ensuite, en rappelant que la contrefaçon « s’apprécie par les ressemblances et non les différences », qu’il existe des différences telles entre les modèles que, même s’il existe quelques caractéristiques communes, le modèle incriminé « produit sur l’utilisateur averti une impression visuelle d’ensemble différente [du modèle revendiqué] ».

Ainsi, sans se référer expressément au degré de liberté du créateur dans l’élaboration du modèle, la cour procède, ce qui revient au même, à l’analyse des modèles respectifs en extrayant de leur définition ce qui appartient au domaine public et ce qui est imposé par leur destination, faisant ainsi les abstractions nécessaires, pour ne plus faire porter la comparaison que sur les parties nouvelles, seules constitutives de la nouveauté et du caractère propre.

Cette méthode d’appréciation de la contrefaçon se retrouve, mutatis mutandis, en droit d’auteur (notamment CA Paris, 16 oct. 1971 : Ann. propr. ind. 1972, p. 88. – CA Paris, 4e ch., sect. B, 16 sept. 2005, n° 02/28551. – Cass. com., 22 mars 2005, n° 03-17.699. – CA Paris, pôle 5, ch. 1, 21 nov. 2012, n° 10/20382).

Avocat à la Cour
Professeur au CEIPI

Retour en haut