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L’effet extérieur ou l’apparence d’un produit est protégeable par le droit d’auteur

Cass. 1ère ch. civ. 11 déc. 2013

« Une cour d’appel qui a retenu que l’œuvre revendiquée, telle que présentée sur le panneau se caractérisait par des lignes gravées, ondulées et irrégulières, qui ne se croisaient jamais et n’épousaient pas de banales formes géométriques, a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la combinaison de telles caractéristiques reflétait la personnalité de l’auteur et conférait à l’œuvre son originalité, justifiant ainsi légalement sa décision »

Note

1- La Cour de cassation comme l’avait fait la Cour de Paris dans son arrêt du 2 décembre 2011, consacre à nouveau la protection d’un « effet extérieur » qui peut se définir comme étant, non pas un véritable dessin, mais une ornementation résultant de dispositions ou de la réunion d’éléments décoratifs qui peuvent être les plus divers à la condition que ces éléments bien individualisés, fixes, puissent toujours être reproduits à l’identique, et ne soient pas, en conséquence, le résultat du hasard.

Cette notion est sans doute dépourvue de netteté et a donné très souvent lieu à de véritables méprises.

2- L’ancien article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle visait les effets extérieurs.  L’article L. 511-1 nouveau du Code de la propriété intellectuelle vise notamment « l’apparence d’un produit caractérisé en particulier par sa texture ou ses matériaux ».

Une texture est un arrangement, une composition ou une disposition d’éléments qui peuvent être des plus diverses.

L’on retrouve ici, exprimés sous une autre forme, « les effets extérieurs » tels que nous les avons définis, qui demeurent protégeables par le Livre V nouveau, de même que par le Livre Ier du Code de la propriété intellectuelle et enfin par l’article 3 du règlement du 12 décembre 2001.

3- La jurisprudence ancienne montre que c’est à propos de tissu que la question posée s’est présentée. Un tissu peut être orné de dessins proprement dits à sa surface ; dans ce cas, la protection n’a jamais été discutée.

Mais deux tissus de même couleur peuvent présenter des effets d’armure différents. On appelle armure d’un tissu l’entrecroisement formé par les fils de chaîne et les fils de trame. Or, l’armure peut donner au tissu un effet spécial, résultat soit d’une matité ou d’un velouté particulier, soit de rugosités disposées de façon spéciale (com. Seine, 5 avr. 1911 : Gaz. trib. 1911, IV, 96 ; Dr. auteur 1913, p. 59 –  CA Paris, 14 déc. 1934 : Ann. propr. ind. 1936, p. 56 – CA Lyon, 3 juill. 1935 : Ann. propr. ind. 1937, p. 216 – T. corr. Seine, 13 mai 1912 : Gaz. trib. 1912, II, 255)

4- On constate qu’aucune de ces décisions ne donne du produit protégé au titre de « l’effet extérieur » une définition quelconque, et il apparaît ainsi que par cette notion d’effet extérieur cette jurisprudence a protégé soit une idée, par exemple celle de donner à un tissu un aspect vieilli, soit un genre s’agissant d’un tissu produisant certains effets d’ondulation. Et ni l’idée, ni le genre ne sont cependant susceptibles d’appropriation. C’est dans un arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 décembre 1960 (CA Paris, 7 déc. 1960 : Gaz. Pal. 1961, 1, 121) que l’on trouve pour la première fois une approche d’une définition des effets extérieurs. Selon la cour : une disposition de rayures sur un tissu de toile plastifiée est exclusive de toute banalité lorsqu’elle témoigne de la recherche d’un effet extérieur donnant à l’ensemble du dessin une physionomie propre, la cour ajoutant que cette combinaison de couleurs alternées et opposées, placée dans un ordre bien déterminé, dont il n’est pas établi qu’elle était déjà connue, aboutit à un effet décoratif et constitue une création originale protégeable par la loi. La cour d’appel de Paris a très justement refusé de voir des « effets extérieurs » à propos d’une matière plastique transparente utilisée en bijouterie de fantaisie et produisant aux dires des demandeurs des effets de veinures nuageux, considérant en quelque sorte le défaut de fixité de la prétendue création (CA Paris, 20 mai 1967 : JCP G 1968, II, 15410).

5- Mais des plaques de verre ou vitrage comportant des stries destinées à la décoration d’un restaurant, réalisées par un plasticien verrier, qui avait procédé à un dépôt, ont été protégées au titre des effets extérieurs, la cour de Paris dans un arrêt du 12 décembre 2008 (CA Paris, 4e ch. B, 12 sept. 2008 : PIBD 2008, 886, III, 713.) ayant jugé sur le fondement du Livre V que le modèle, par un jeu très subtil de lignes parallèles qui ne sont pas strictement linéaires du fait de l’épaisseur légèrement différente du trait, présentait une configuration distincte et reconnaissable et un effet extérieur, et sur le fondement du Livre Ier que la plaque de verre, en ce qu’elle comportait une irrégularité spécifique, portait l’empreinte de l’auteur.

6- Il est malheureusement fréquent que certains tribunaux confondent l’effet extérieur ainsi bien compris, avec l’impression toute personnelle éprouvée par le juge et déterminée par le simple aspect de tel ou tel objet ! Procéder ainsi aboutit à détourner de la signification, déjà passablement obscure, cette catégorie bien particulière de création.

Nous estimons qu’il ne faut ranger parmi les effets extérieurs que les effets provenant, non pas d’une appréciation personnelle forcément arbitraire ou du goût du juge pour ce qui peut lui sembler original ou agréable à considérer, mais seulement ceux directement produits par la contexture de l’objet, cette contexture étant seule susceptible de tenir lieu d’élément fixe, donc invariable.

7- La Cour de cassation 1ère chambre civile par un arrêt du 17 juin 2003 (Cass. 1re civ., 17 juin 2003 : JurisData n° 2003-019454 ; JCP E 2003, 1641)  s’est référée au critère de l’ « exécution répétée » dans une affaire concernant les magasins Afflelou. La Cour de cassation s’exprime ainsi :

« la propriété littéraire et artistique protège non pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés. C’est à juste titre que, pour rejeter une demande en contrefaçon, une cour d’appel a souverainement estimé que les prescriptions et dessins invoqués se réduisaient à des principes généraux exclusifs d’indications suffisamment concrètes et précises. De même qu’elle a pu exposer que la planche illustrative de la façade du magasin et la représentation d’un aménagement intérieur étaient trop imprécises et partielles pour s’assimiler à un projet-type permettant une exécution répétée » (V. également CA Paris, 4e ch. A, 26 oct. 2005 : JurisData n° 2005-290376 ; JCP E 2006, 1708, obs. F. Greffe ; PIBD 2006.821.III.31).

En l’espèce le graphisme protégé était « bien délimité » c’est à dire que ses contours étaient déterminés, définis, permettant ainsi une exécution répétée.

Avocat à la Cour
Professeur au CEIPI

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