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Un an de jurisprudence sur les dessins et modèles – 2011

Nous attirons notamment l’attention du lecteur sur l’arrêt du 26 janvier 2011 du pôle 5, chambre 1, qui juge que le demandeur à l’action en contrefaçon d’un modèle doit, seulement, identifier ce dernier. Ce n’est pas, semble-t-il, l’avis de la 2e chambre.
Sur cette question, la Cour de cassation est saisie de plusieurs pourvois. L’on constate aussi que les tribunaux ont tendance à remettre en question la jurisprudence de la Cour de cassation sur la présomption de propriété découlant de l’exploitation de l’œuvre. Ainsi de solutions simples, aboutissement d’une longue évolution jurisprudentielle, l’on reviendrait à une jurisprudence qui avait été condamnée, pour aller à l’encontre des intérêts de l’industrie que la loi a cependant pour objet de protéger à une époque où l’on dit que la contrefaçon est devenue un fléau, privant l’Union européenne chaque année de 300.000 emplois!

1. – Action en contrefaçon. Identification du modèle. Recevabilité

1. Le demandeur à l’action en contrefaçon a-t-il l’obligation de démontrer l’originalité de son modèle ? Ne peut-il se contenter de le décrire et de l’identifier à une date certaine ? La cour d’appel vient de se prononcer sur cette question importante, qui donne en effet lieu à une jurisprudence hésitante et contradictoire, rendant incertaine la recevabilité d’une action en contrefaçon de modèle.

 

2. Selon la cour d’appel de Paris : En application des dispositions de l’article 56 du Code de procédure civile, selon lequel “l’assignation contient, à peine de nullité (….) l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit“, il appartient au demandeur qui exerce une action en contrefaçon de droit d’auteur sur des bijoux de sa création, de définir précisément ces derniers qu’il estime contrefaits et ceux qu’il estime contrefaisants.

L’assignation délivrée comporte la liste des bijoux et objets sur lesquels la demanderesse revendique des droits d’auteur, désignés par une référence et assortis d’une date de création, ce document comportant en annexe, la liste des pièces, laquelle mentionne ” modèle Ubu, originaux à restituer” ; la copie de l’assignation versée aux débats devant la cour comporte la reproduction photographique des bijoux en cause, identifiés par les références figurant dans la liste précédemment évoquée. L’assignation vise en outre les procès-verbaux de constat comportant les planches photographiques montrant les bijoux argués de contrefaçon.

Il ressort de ce qui précède que le destinataire de l’acte, après la lecture de celui-ci, et l’examen de ses annexes, ne pouvait se méprendre ni sur l’objet de la demande, ni sur son fondement dès lors qu’il pouvait identifier précisément les créations de bijoux pour lesquels le demandeur revendiquait des droits d’auteur et ceux que le demandeur estimait contrefaisants.

Il en résulte que le moyen de nullité de l’assignation tiré d’une prétendue insuffisance d’indication de l’objet de la demande et de l’exposé des moyens de fait et de droit n’est pas fondé (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 26 janv. 2011, n°09/20777, Sté Avantage Mode c/ sté d’exploitation Ubu).

 

3. L’assignation doit, en effet, aux termes de l’article 56 du Code de procédure civile, contenir l’objet de la demande et l’exposé sommaire des moyens, être rédigée suffisamment clairement pour permettre au défendeur de savoir quels sont les dessins ou les modèles dont la contrefaçon lui est imputée. À défaut, s’il lui en est fait la demande, le juge de la mise en état peut en prononcer la nullité.

 

4. Ainsi que le juge la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 26 janvier 2011, il paraît en effet, suffisant et conforme aux textes, que le dessin ou le modèle revendiqué soit, à une date certaine, identifié en ses dispositions ou sa configuration, soit qu’un dépôt a été effectué, soit par tout autre moyen de preuve.

5. Mais il est vrai qu’une jurisprudence récente a tendance à considérer que le demandeur à l’action en contrefaçon, ne peut se contenter d’identifier son modèle mais doit encore le décrire, puis le définir et s’expliquer, à partir de cette définition, sur les raisons pour lesquelles il serait susceptible de bénéficier de la protection de la loi, c’est-à-dire en quelque sorte, après avoir prouvé son antériorité, sa nouveauté, démontrer son originalité.

6. Ces exigences ne vont pas seulement au-delà des dispositions de l’article 56 du Code de procédure civile, mais au-delà des dispositions du Code de la propriété intellectuelle.

Concernant un modèle déposé, ce sont d’ailleurs les reproductions graphiques et les photographies apparaissant au certificat d’identité du dépôt qui fixent l’étendue du droit du déposant, la brève description ou autrefois la légende (CPI, art. R. 512-3, 2°) qui peut facultativement figurer au dépôt, n’a qu’un caractère facultatif, et ne peut avoir aucune influence sur le droit du déposant (CA Paris, 20 sept. 1995 : PIBD 1996, n° 601, III, p. 25. – CA Paris, 10 déc. 1997 : PIBD 1998, n° 653, III, p. 259. – CA Paris, 3 déc. 1997 : PIBD 1998, n° 651, III, p. 207). Jugé en ce sens que le modèle déposé doit être apprécié par l’examen du dépôt sans qu’il y ait à prendre en considération la légende qui a pu l’accompagner et qui, sans valeur juridique, ne comporte aucune limitation des caractéristiques protégeables, comme peut le faire la revendication d’un brevet pour une invention (CA Paris, 4 avr. 1991 : Ann. propr. ind. 1992, p. 339).

Il en est de même s’agissant d’un dépôt communautaire (OHMI, div. annulation, 31 mars 2008, Crocs Inc c/ Divisa Systemas Globales).

7. Et pareillement, ce sont à partir des documents justifiant de l’existence de la création sur laquelle figureront les modèles revendiqués, que, sur le terrain du droit d’auteur, le tribunal pourra fixer l’étendue du droit.

8. Et d’ailleurs, un grand nombre de décisions de la Cour de cassation reprochent aux juges du fond de s’être insuffisamment expliqués sur les caractéristiques du modèle ou du dessin, jugeant qu’il appartenait aux juges du fond de rechercher si l’œuvre avait ou non un caractère original (notamment, Cass. com., 3 mai 1994 : D. 1994, inf. rap. p. 173. – Cass. 1re civ., 11 févr. 1997 : JCP G 1997, II, 22973. – Cass. com., 16 déc. 1997 : PIBD 1998, n° 650, III, p. 181. – Cass. 1re civ., 17 févr. 2004 : JurisData n° 2004-022483 ; PIBD 2004, n° 785, III, p. 273. – Cass. 1re civ., 12 juill. 2006 : JurisData n° 2006-034565 ; PIBD 2006, n° 839, III, p. 715. – Cass. crim., 4 nov. 2008, n° 08-81. 955. JurisData n° 2008-046072).

Et c’est bien alors au tribunal qu’il appartient de dire si le modèle est ou non protégeable, et si le modèle argué de contrefaçon est ou non contrefaisant, c’est-à-dire de qualifier l’originalité de la création revendiquée et le caractère contrefaisant du modèle impliqué, soit à partir du dépôt, soit à partir de la représentation de l’objet dont la description ou la définition qui en a été faite peut être incomplète, imprécise ou inexacte.

9. Et pour cela, il appartient bien au tribunal de définir l’objet litigieux. L’on ne saurait donc, selon nous, approuver un récent arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 février 2011 (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 4 févr. 2011, n° 09/28469, infirmation de TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 12 nov. 2009. Propr. industr. 2010, comm. 32, F. Greffe), selon lequel « l’imprécision de la définition de l’œuvre ne rend pas irrecevables les prétentions émises au titre de la contrefaçon, mais conduisent la cour à en circonscrire l’originalité ». Ainsi que le dit l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril 1991 précité, nous ne sommes pas en effet ici dans le domaine des brevets d’invention.

Cela étant, pour couper court à toute discussion, il est en effet préférable de bien décrire le modèle que l’on revendique, dans ses caractéristiques protégeables, dans ce qu’elles ont d’ornemental et d’inutile.

2. – Combinaison nouvelle d’éléments connus Transposition

10. La 3e chambre du tribunal de grande instance de Paris (3e sect., 1er oct. 2010 : PIBD 2011, n° 932, III, p. 88) a jugé que « la combinaison entre les caractéristiques d’un stylo et celles d’une baguette de pain porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, lui conférant une originalité susceptible de protection au titre du droit d’auteur ».

Il s’agissait d’un stylo dont la configuration reprenait à l’identique celle d’une baguette de pain, réduite aux dimensions d’un stylo. Cet agencement ne constitue pas une combinaison nouvelle d’éléments connus, laquelle implique que chacun des éléments de la combinaison soit ornemental, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, la combinaison ayant consisté dans l’adoption pour un stylo de la forme d’une baguette de pain, à l’extrémité de laquelle avait été disposée une plume ! Il s’agissait de la simple transposition d’une forme connue dans un autre domaine, en tant que telle insusceptible de toute protection (pour la transposition d’un modèle de passementerie dans le domaine de l’orfèvrerie, CA Paris, 4e ch. A, 17 mars 2004 : JurisData n° 2004-259643 ; Propr. industr. 2005, comm. 14, F. Greffe. – Transposition d’un couteau pliant sur le modèle Laguiole, CA Paris, 4e ch. A, 6 avr. 2005 : PIBD 2005, n° 813, III, p. 479. – Pour l’application du dessin « le love sign » sur des vêtements, TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 17 nov. 2006, Pellat-Finet c/ Le Figaro, inédit. – Transposition sur des tissus du code-barres, CA Paris, 4e ch. A, 20 déc. 2006, Groupe JCR c/ Vanitex, inédit).

3. – Contrefaçon. Appréciation. Observateur averti

11. Pour prononcer une condamnation pour contrefaçon, l’arrêt de la cour d’appel retient que l’impression visuelle qui se dégage des modèles de jardinière en cause est semblable, les caractéristiques du modèle invoqué étant reprises. La cour d’appel qui n’a pas fait référence au consommateur d’attention moyenne mais à l’observateur averti, qui est à même de percevoir si une différence entre deux modèles, exclut toute identité ou similitude des impressions visuelles d’ensemble, a légalement justifié sa décision (Cass. com., 15 juin 2010, n° 08-20.999 : JurisData n° 2010-009652 ; PIBD 2010, n° 923, III, p. 553).

12. L’observateur averti s’entend effectivement d’un utilisateur doté d’une vigilance particulière, soit en raison de son expérience personnelle, soit de sa connaissance du secteur considéré (notamment, TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 15 févr. 2002 : JurisData n° 2002-180143 ; Propr. industr. 2002, comm. 80. – CA Douai, 2e ch., 11 mars 2004 : PIBD 2004, n° 792, III, p. 787. – TGI Paris, 31e ch., 2e sect., 9 févr. 2006 : PIBD 2006, n° 830, III, p. 384). Ce que le texte exige, c’est que l’observateur soit « averti », c’est-à-dire par définition, compétent, avisé et expérimenté.

Et le livre vert pour la protection des dessins et des modèles (Comm CE, Livre vert sur la protection juridique des dessins et modèles industriels, juin 1991) qui est le seul document auquel on peut utilement se référer au titre des travaux préparatoires de la directive, nous apporte sur ce point la précision suivante : « pour juger si le degré de similitude est suffisamment faible pour reconnaître à un autre dessin ou modèle le caractère de nouveauté, les spécialistes seraient alors en mesure de relever des différences qui, compte tenu des contraintes propres à chaque dossier, pourraient représenter une évolution suffisamment créative, même si elle passe inaperçue aux yeux de l’observateur moyen » (Livre vert, préc. p. 78 et 79).

13. Dans le domaine de la mode, cet usage passager qui règle la forme des vêtements, ce sont le plus souvent les détails secondaires qui caractériseront la nouveauté ou l’originalité du modèle, détails qui ne passeront pas inaperçus à « l’observateur averti ».

4. – Nouveauté. Originalité

14. Est protégeable un dessin relevant du genre carreaux écossais ou tartan, présentant une disposition de nombreuses bandes de couleurs de largeurs différentes et de rayures qui se croisent à angle droit et composent des carreaux réguliers qui se répètent dans une séquence précise, avec deux bandes qui ressortent particulièrement tant en raison de leurs largeurs que de leurs couleurs contrastées. L’appartenance de ce dessin au genre « tartan écossais » ne saurait d’évidence le priver d’originalité dans la mesure où il n’est pas contesté que chacun des tartans produits est parfaitement singulier et illustre la grande variété des dessins qui relèvent du même genre quand bien même peuvent-ils présenter une commune construction (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 11 déc. 2009 : PIBD 2010, n° 914, III, p. 190).

15. Il est de jurisprudence, en effet, qu’un dessin ou un modèle peut s’inspirer du domaine public, et bénéficier de la protection de la loi dans la mesure où les modifications apportées au domaine public sont à la fois nouvelles et originales (CA Paris, 13 juin 1988 : D. 1990, somm. p. 198, obs. J.-J. Burst. – CA Paris, 4e ch., 6 févr. 2004 : PIBD 2004, n° 791, III, p. 461 ; Propr. industr. 2004, comm. 82, P. Greffe. – Cass. com., 22 mars 2005, n° 03-17.699 : PIBD 2005, n° 810, III, p. 373 ; Propr. industr. 2006, comm. 19, F. Greffe).

16. Concernant des dessins de broderie, il a été jugé que ne pouvait être retenu l’argument en défense tenant au caractère non protégeable des surpiqûres qui relèveraient d’un simple savoir-faire, la création portant non pas sur la technique de surpiqûre en elle-même, mais sur le motif dessiné par ces surpiqûres (CA Versailles, 14e ch., 10 mars 2010 : JurisData n° 2010-017312 ;PIBD 2010, n° 916, III, p. 253).

17. Jugé que s’il est constant que la création d’un abribus doit obéir à un certain nombre de contraintes techniques, pour autant, la liberté de création pour arriver au but recherché est relativement grande. Dans ces conditions, la contrefaçon est constituée par la réalisation, dans le cadre d’un marché public, d’un abribus qui reproduit les caractéristiques du modèle communautaire (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 17 mars 2010 : PIBD 2010, n° 922, III, p. 505).

18S’agissant de modèles de téléphones portables, caractérisés par l’adjonction d’un miroir ayant fait l’objet d’un dépôt, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (2e ch., 3 déc. 2009 : JurisData n° 2009-019097 ; PIBD 2010, n° 912, III, p. 123) a jugé que l’ajout de ce rectangle qui n’était pas de nature à donner aux modèles déposés une physionomie propre et nouvelle au sens de l’article L. 511-3 ancien du Code de la propriété intellectuelle et que les modèles n’étaient pas davantage protégeables au titre du droit d’auteur s’agissant d’une simple juxtaposition de formes existantes sans effort de création et révélant la volonté de protéger une idée : en l’espèce, la position d’un miroir sur un téléphone.

19. N’est pas protégeable un modèle de poêle avec un dessin de cœur embossé au fond, au titre du droit d’auteur. En effet, cette forme est banale et identique à celle utilisée traditionnellement en pâtisserie pour des poêles (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 2 déc. 2009 : PIBD 2010, n° 916, III, p. 259).

20. N’est pas protégeable au titre du droit des dessins et modèles, un pain de savon présentant une forme – induite au surplus par la nécessité de préhension – et un poids traditionnel et sur lequel figurent des mentions purement informatives pour le consommateur, l’agencement particulier de ses éléments n’étant ni nouveau, ni original (CA Aix-en-Provence, 2e ch., 18 mars 2010 : PIBD 2010, n° 920, III, p. 414).

5. – Procédure. Droit d’information

21. Au regard des pouvoirs généraux reconnus au juge de la mise en état (CPC, art. 770 et 771, 5), il y a lieu d’admettre que celui-ci peut, comme la juridiction de fond, mettre en œuvre le droit d’information organisé par les dispositions des articles L. 331-1-2, L. 521-5, L. 615-5-2 ou L. 716-7-1 du CPI et ce, avant même le prononcé d’une décision sur la réalité d’une contrefaçon.

Cependant le pouvoir du juge d’ordonner la production de pièces est discrétionnaire. En outre, ces mesures doivent répondre à une demande justifiée et proportionnée du requérant, respecter les droits de la défense et être assorties de garanties nécessaires, y compris la protection des renseignements confidentiels (TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 29 oct. 2009 : PIBD 2010, n° 911, III, p. 98. – V. JCl. Marques-Dessins et modèles, Fasc. 3480, n° 11 et s).

22. Une société assigne en contrefaçon artistique l’un de ses concurrents après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon.

Au cours de la procédure devant le tribunal, elle prétend que la défenderesse aurait refusé de communiquer à l’huissier, lors des opérations de saisie-contrefaçon, le moindre élément comptable.

Elle saisit alors le juge de la mise en état d’un incident, sur le fondement de l’article L. 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle, en sollicitant la condamnation sous astreinte de la défenderesse à lui communiquer divers éléments comptables relatifs aux modèles argués de contrefaçon.

23. Le juge de la mise en état rejette la demande de communication de pièces, considérant que la contrefaçon ne présente pas un « caractère d’évidence, seul ce caractère autorisant le juge de la mise en état à [y] faire éventuellement droit » (TGI Nanterre, ord. JME, Sté Espace Détente Aménagement c/Sté Promo Canapé. 23 sept. 2010. Inédit).

24. La jurisprudence, aujourd’hui bien établie, estime que pour apprécier l’opportunité des demandes qui lui sont présentées à ce titre, « le juge de la mise en état prend en considération les circonstances de l’espèce, les éléments versés aux débats et l’absence de décision au fond afin de ne pas porter une atteinte excessive aux intérêts du défendeur dont la responsabilité n’a pas été judiciairement établie ».

25. Il a ainsi été jugé que « la contestation de la qualité à agir du demandeur doit être prise en considération pour apprécier la demande au titre du droit à l’information » (TGI Paris, 3e ch., 4e sect., ord. JME, 29 oct. 2009 : PIBD 2010, n° 911, III, p. 98).

26. Il a également été jugé que si le grief de contrefaçon n’apparaît pas « non sérieusement contestable », la demande d’information doit être rejetée (TGI Paris, 3e ch., 2e sect., ord. JME, 10 juill. 2009, inédit).

6. – Procédure. Dépôt communautaire. Sursis à statuer

27. Dans un jugement du 8 janvier 2010, le TGI de Paris (3e ch., 2e sect., 8 janv. 2010 : PIBD 2010, n° 917, III, p. 291) a sursis à statuer dans une instance en contrefaçon d’un modèle de sac à main, fondée sur le droit d’auteur, au motif qu’une instance en nullité dudit modèle faisant l’objet d’un dépôt communautaire avait été engagée devant l’OHMI par un tiers étranger à la procédure. L’on ne saurait approuver cette décision (V. nos obs. sur cette décision, Propr. industr. 2010, comm. 73).

7. – Rémunération proportionnelle

28. Jugé, dans le domaine des arts appliqués à l’industrie, que l’œuvre artistique a un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité et que le succès d’un modèle dépend de l’effort financier de l’industriel qui a pris le risque de son exploitation. Le caractère accessoire de l’œuvre justifie la rémunération forfaitaire de la cession des droits patrimoniaux. Par conséquent, l’auteur ne peut demander la nullité du contrat de cession en application des dispositions de l’article L. 131-4 du CPI (TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 11 mars 2010 : PIBD 2010, n° 921, III, p. 471).

29. Il est de jurisprudence constante que la participation proportionnelle n’est pas d’ordre public (Cass. 1re civ., 6 févr. 1973 : Bull. civ. 1973, I, n° 47. – Cass. 1re civ., 11 févr. 1997, n° 95-11.239 : JurisData n° 1997-000540 ; D. 1997, inf. rap. p. 65. – CA Paris, 24 oct. 1994 : D. 1995, somm. p. 288, obs. Colombet. – Cass. 1re civ., 13 févr. 2007, n° 05-12.016 : JurisData n° 2007-037342 ; PIBD 2007, n° 850, III, p. 290). Comme il est de jurisprudence que dans le domaine des arts appliqués, une œuvre artistique ayant effectivement un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité, c’est le forfait qui s’applique (CA Paris, 4e ch., 22 nov. 1983, J.-L. Barrault c/ Automobiles Citroën, inédit. – CA Paris, 4e ch., 6 févr. 1989, Jean-Paul Raymond c/ Sté Davoise, inédit. – CA Paris, 4e ch. A., 3 avr. 1990 : Ann. propr. ind. 1992, p. 88).

8 – Contrefaçon. Astreinte. Liquidation facultative. Nouvelle action en contrefaçon. Recevabilité

30. Une société est condamnée, par jugement définitif, à des dommages et intérêts pour contrefaçon de plusieurs modèles. Il lui est interdit en outre, sous astreinte, de poursuivre ses agissements de contrefaçon. Il est constaté, postérieurement au jugement, par une saisie-contrefaçon, que la société continue cependant à vendre les produits contrefaisants et une nouvelle action en contrefaçon est alors engagée.

La société soutient que la poursuite des faits de contrefaçon ne pourrait relever que de la liquidation de l’astreinte assortissant les mesures d’interdiction prononcées par le Tribunal lors de la précédente instance.

31. La cour d’appel de Paris (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 18 févr. 2011, n° 10/01494, stés Kaina et Casita c/ Jori) vient de rappeler qu’une action en liquidation d’astreinte n’est pas exclusive d’une action en réparation d’acte de contrefaçon (en ce sens notamment, Cass. com., 19 déc. 2006: PIBD 2007, n° 846, III, p. 12), chaque acte de contrefaçon constituant un délit distinct.

32. L’astreinte a pour finalité d’obtenir, par l’effet dissuasif que revêt la pénalité encourue, l’exécution volontaire effective de celle-ci, sa liquidation étant laissée à l’initiative discrétionnaire de son bénéficiaire. Elle ne prive pas celui-ci de la faculté de poursuivre devant le juge du fond la réparation de son préjudice résultant de la non-observation des mesures d’interdiction, la loi du 9 juillet 1991 énonçant expressément qu’elle est indépendante des dommages et intérêts.

9. – Théorie de l’accessoire. Droit de représentation

33. Dans une affaire concernant un film publicitaire pour Lotus, apparaissait une guirlande, dont il est dit qu’en raison de « ses caractéristiques », elle était protégeable par le droit d’auteur. Le tribunal écarte la contrefaçon au motif que « l’apparition de cette guirlande est accessoire par rapport au sujet publicitaire dont l’objet est la promotion du produit Lotus » (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 15 oct. 2010 : PIBD 2011, n° 933, III, p. 124).

34. La contrefaçon était cependant démontrée, du moment que l’objet qui bénéficiait de la protection de la loi apparaissait à l’écran, il était fait ainsi usage du droit de représentation qui n’avait pas été cédé. Il est de jurisprudence à la fois ancienne et constante que l’utilisation d’une œuvre protégée dans une campagne publicitaire constitue une contrefaçon (Cass. 1re civ., 15 oct. 1985, n° 84-12.291, Verlinde c/ Colgate Palmolive : JurisData n° 1985-002627. – CA Paris, 1re ch., 1re sect., 30 avr. 1986, Lartigue c/ Agence CPV, inédit. – TGI Paris, 15e ch., 29 avr. 1988, Christian Lacroix c/ Agence Dufresne, inédit – TGI Paris, 3e ch., 18 oct. 1995 : Gaz. Pal. 1996, I, somm. p. 265 ; PIBD 1996, n° 604, III, p. 77. – Cass. 1re civ., 12 déc. 2000 : D. 2001, p. 1530, note E. Dreyer).

35. Jugé encore qu’un modèle de chaussure se composant de mules à talon dont la partie supérieure de couleur dorée et surmontée d’un large bandeau en cote de maille et dont la semelle et la face intérieure du talon sont de couleur rouge, est protégeable au titre du droit d’auteur. En effet, la combinaison de ces caractéristiques confère au modèle litigieux une originalité propre en ce qu’elle révèle l’empreinte personnelle de son auteur. Ce dernier est en conséquence en droit de s’opposer à ce que ledit modèle soit reproduit sans son autorisation et sans indication de son nom dans le catalogue diffusé par la société Guy Laroche, laquelle ne saurait prétendre que la représentation des mules revêt un caractère accessoire par rapport à l’ensemble de la photographie (TGI Paris, 3e ch., 9 oct. 1998 : Gaz. Pal. 1999, I, somm. p. 294, confirmé par CA Paris, 21 mars 2001 : Gaz. Pal. 2001, somm. p. 1993. – Pour des modèles d’assiettes, TGI Paris, 19 avr. 2000 : Gaz. Pal. 2001, somm. p. 2087 et CA Paris, 4e ch. A, 13 juin 2007 : Gaz. Pal. 2007, somm. p. 4221. – Pour des modèles de couverts, CA Paris, 28 sept. 2001 : Gaz. Pal. 2002, I, somm. p. 902. – Pour des modèles de véranda, CA Paris, 17 oct. 2001 : Gaz. Pal. 2002, I, somm. p. 901. – Pour des modèles d’assiettes, CA Paris, 23 janv. 2002 : Gaz. Pal. 2002, I, somm. p. 1597. – V. encore pour l’utilisation d’un chemin de table dans un film publicitaire, CA Paris, pôle 5, 1re ch., 7 avr. 2010 : Gaz. Pal. 15-16 sept. 2010).

36. Il faut alors définir ce qui constitue l’accessoire du sujet représenté, échappant comme tel à la contrefaçon. La jurisprudence nous en donne deux exemples. C’est d’abord le cas de la publicité faite à la télévision pour un ouvrage qui comporte en couverture une illustration dont l’auteur de cette dernière n’a pas cédé le droit de représentation. C’est aussi le cas d’une œuvre de sculpture disposée sur une place publique. Des cartes postales de la place sur lesquelles apparaît l’œuvre de sculpture sont éditées. L’on dira dans l’un et l’autre cas, que l’illustration ou la sculpture est l’accessoire du sujet qui est l’ouvrage ou la place publique.

37. Jugé ainsi que la reproduction de dessins de vêtements dans un catalogue publicitaire ne constitue pas une contrefaçon du moment que les droits de reproduction desdits vêtements avaient été cédés. Dans ce cas, en effet, la reproduction des dessins n’a été qu’accessoire à la reproduction non fautive des vêtements (CA Douai, 10 sept. 1990 : PIBD 1991, n° 510, III, p. 657) ; de même, il a été jugé « qu’ayant souverainement relevé que l’apparition d’une photographie figurant sur la couverture d’un ouvrage, dans un film publicitaire, était accessoire par rapport au sujet, qui était la représentation publicitaire de l’ouvrage, la cour d’appel en a exactement déduit sans dénaturation, que le film ne réalisait pas une représentation de l’œuvre (Cass. 1re civ., 12 juin 2001 : D. 2001, act. jurispr. p. 2517. – Dans le même sens, CA Paris, 4e ch. A, 17 janv. 2007 : Gaz. Pal. 2007, I, somm. p. 2111. – CA Paris, 4e ch. A, 28 févr. 2007 : Gaz. Pal. 2007, II, somm. p. 4221).

38. Jugé encore que les auteurs de l’aménagement de la Place des Terreaux à Lyon, ne sauraient faire grief à un arrêt qui les a déboutés de leur action en contrefaçon au titre du droit de reproduction et du droit moral, à l’encontre d’un éditeur de cartes postales. En effet, ayant relevé que, telle que figurant dans les vues en cause, l’œuvre des auteurs se fondait dans l’ensemble architectural de la Place des Terreaux dont elle constituait un simple élément, la cour d’appel en a exactement déduit qu’une telle présentation de l’œuvre litigieuse était accessoire au sujet traité, résidant dans la représentation de la Place, de sorte qu’elle ne réalisait pas la communication de cette œuvre au public (Cass. 1re civ., 15 mars 2005, n° 03-14.820, Buren c/ Tassin : JurisData n° 2005-027565 ;Gaz. Pal. 2005, somm. p. 2001. – CA Lyon, 1re ch. civ., 20 mars 2003 : Gaz. Pal. 2003. somm. p. 1391).

39. Mais cette exception relative au libre exercice du droit d’auteur s’interprète restrictivement. La théorie de l’accessoire est élaborée principalement en raison des conflits existant entre le droit d’auteur et l’exercice d’autres droits tels que celui du droit à l’information.

Avocat à la Cour
Professeur au CEIPI

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