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Preuve de la contrefaçon – Constat d’achat

Solution : Le seul fait que l’achat supposé ait été effectué par un stagiaire du cabinet d’avocat de la requérante dont l’identité et la qualité sont clairement établies ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable n’excluant pas la possibilité d’apprécier au vu de l’ensemble des pièces versées aux débats par les parties la pertinence et la portée du procès-verbal de constat ainsi établi par l’huissier de justice.

Impact : La Cour d’appel de Paris résiste à la solution qu’avait adoptée la Cour de cassation dans son arrêt du 25 janvier 2017 ce qui, si cette décision était confirmée, devrait grandement faciliter la preuve de la contrefaçon.

CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 28 fév. 2020, n° 18/03683 (PIBD 2020 n° 1144, III, 1, note Céline MARTIN)

NOTE :

Pour la première fois depuis l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 janvier 2017 (Cass 1re civ., 25 janv. 2017, n° 15-25.210, G-Star Raw c/ H&M Hennes & Mauritz : Juris-Data n° 2017-000971 ; RTD com. 2017, n° 1, note F. Pollaud-Dulian ; Propr. industr. 2017, comm. 27, J.-P. Gasnier ; JCP G 2017, 425, chron. N. Binctin ; Propr. industr. 2017, chron. 9, n° 12, P. Greffe), la Cour d’appel de Paris avait à se prononcer sur la validité d’un procès-verbal de constat d’achat dressé par un huissier assisté par un stagiaire du cabinet d’avocat du requérant.

La Cour de cassation dans son arrêt du 25 janvier 2017 avait posé pour principe que « le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 de la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales commandait que la personne qui assistait l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante ».

La Cour de Paris dans son arrêt du 28 février 2020 nuance en ces termes l’arrêt de la Cour de cassation qui il est vrai faisait l’objet de vives critiques : « La Cour Européenne des Droits de l’Homme impose que les preuves soient recueillies et exploitées loyalement sans pour autant aller jusqu’à imposer ou refuser certains modes de preuve indépendamment de toute autre considération. Ce qui importe est que le procès ait présenté un caractère équitable dans son ensemble, y compris au regard des modalités d’ordre probatoire. La Convention ne règlemente pas le régime des preuves en tant que tel et il revient aux juridictions internes d’apprécier notamment la pertinence des éléments de preuve dont une partie souhaite la production, et en cela de vérifier si la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu un caractère équitable ».

Ainsi donc il importe peu de savoir si l’acheteur est ou non indépendant du requérant.

Et selon la Cour, l’absence d’indication par l’huissier de l’identité et de la qualité de la personne ayant réalisé l’achat constitue une violation du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, ce qui affecte la validité de l’un des deux constats qui lui était soumis.

Il est en effet légitime que le poursuivi en contrefaçon puisse identifier la personne ayant effectué l’achat, ce que la Cour avait déjà souligné dans un précédent arrêt (CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 18 oct. 2019, Propr. industr. 2019, n° 66, P. Greffe). Lorsque ces informations sont mentionnées par l’huissier dans son procès-verbal, rien ne s’oppose à ce que celui-ci puisse tenir lieu de preuve.

Depuis la décision de la Cour de cassation de 2017, les tribunaux étaient divisés sur cette question mais l’on observe qu’à plusieurs reprises le Tribunal Judiciaire de Paris avait jugé que « la seule circonstance que la personne assistant l’huissier ait la qualité d’avocat stagiaire du conseil de la demanderesse est sans incidence sur la validité dans l’administration de la preuve… » (TGI Paris, 3ème ch., 3ème sect., 1er déc. 2017, n° 16/12596 ; dans le même sens, TGI Paris, 3ème ch., 1ère sect., 5 avr. 2018, n° 17/00613) ; TGI Paris, 3ème ch., 4ème sect., 22 nov. 2018, n° 17/12253).

La contrefaçon est un fait dont la réalité peut être établie par tout moyen et l’on ne comprend donc pas que la Cour de cassation ait pu présumer qu’un tiers acheteur serait de mauvaise foi au seul motif qu’il n’est pas indépendant du requérant.

Un constat d’achat a pour unique finalité de constater l’achat d’un produit dans un lieu déterminé, comme le souligne la Cour d’appel en relevant qu’un tel constat ne « dit rien de ce qui s’est passé à l’intérieur du magasin que l’huissier ne pouvait voir et ne vaut pas constatation pour cela » et que « chaque partie est libre de tirer les conséquences des constatations objectives de l’huissier et le débat contradictoire peut s’instaurer devant la juridiction saisie ».

L’arrêt de la Cour de Paris du 28 février 2020 est remarquablement motivé et il reste à espérer que la Cour de cassation reviendra sur sa jurisprudence.

Avocat à la Cour
Professeur au CEIPI

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