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UN AN DE JURISPRUDENCE DES DESSINS ET MODELES 2025

L’année a été marquée par l’adoption du « Paquet dessins et modèles ».

Les conditions de protection des modèles, la nouveauté et le caractère individuel, demeurent inchangés (PE et Cons. UE, dir. (UE) 2024/2823, 23 oct. 2024, art. 4 et 5).

La réforme introduit néanmoins certaines innovations, modifiant les anciens textes qui feront l’objet de quelques observations (pour une étude complète, V. A. Folliard-Monguiral, Les grands desseins du « Paquet Modèles » : Propr. industr. 2025, étude 1. – N. Kapyrina, Adoption du « Paquet dessins et modèles » : Propr. industr. 2025, alerte 1).

Plusieurs décisions retiennent, par ailleurs, l’attention.

La cour d’appel de Paris a appliqué, en matière de DMCNE (aujourd’hui « dessin et modèle de l’UE non enregistré »), la règle de la présomption de titularité de droits, confirmant ainsi sa jurisprudence.

La CJUE a rendu une importante décision, le 24 octobre 2024, qui vient condamner les dispositions de l’article 2, § 7 de la Convention de Berne.

La Cour de cassation a, par ailleurs, apporté quelques précisions sur la notion de parasitisme.

1. Le « paquet dessins et modèles » en quelques points

1 –
La définition des dessins et modèles est complétée pour prendre en compte les « avancées technologiques » et s’adapter aux évolutions de l’ère numérique (V. G. Pierre-Lenfant, Les dessins et modèles se modernisent à l’ère numérique : Propr. industr. 2024, alerte 36).
Le principe du cumul est certes maintenu mais « […] à condition que les exigences imposées par la législation sur le droit d’auteur soient remplies » (PE et Cons. UE, dir. (UE) 2024/2823, 23 oct. 2024, art. 23. – Et PE et Cons. UE, règl. (UE) 2024/2822, 23 oct. 2024, art. 96).
Dans la mesure où le degré d’originalité requis pour qu’une œuvre puisse bénéficier de la protection du droit d’auteur n’est plus déterminé par les États membres mais devient une notion autonome dont l’appréciation et l’application relèvent exclusivement du droit de l’Union, on peut craindre qu’à terme l’uniformisation du droit d’auteur n’aboutisse à une moindre protection des modèles (sur cette question, V. Y. Reboul : Propr. industr. 2023, étude 8).
Parmi les innovations les plus marquantes, la directive introduit une disposition qui consacre le mécanisme de la clause de réparation aux dessins et aux modèles nationaux (PE et Cons. UE, dir. (UE) 2024/2823, 23 oct. 2024, art. 19).
Le champ d’application de cette clause est cependant limité aux seules pièces dont la forme est imposée par l’apparence du produit complexe, contrairement à ce qu’avait décidé, il y a quelques années, la CJUE dans son arrêt ACACIA (CJUE, 20 déc. 2017, aff. C-397/16 et 435/16, pt 54 : JurisData n° 2017-027746 ; Propr. industr. 2019, chron. 5, P. Greffe ; Propr. industr. 2018, chron. 6, J.-P. Gasnier, A. Spiliotopoulou et A. Mouallem ; JCP E 2018, 1617, N. Binctin).
Certaines dispositions de la directive Paquet marques ont, par ailleurs, été reprises.
C’est ainsi que pour lutter plus efficacement contre la contrefaçon, les titulaires de dessins et modèles enregistrés seront désormais autorisés à empêcher l’entrée dans l’Union de produits argués de contrefaçon en provenance de pays tiers à destination d’un autre pays tiers lorsqu’ils sont placés sous un régime douanier suspensif comme le transit externe (J.-C. Galloux et P. Kamina, Droit dessins et modèles internes et communautaires : Dalloz, 25 juill. 2024, n° 1388. – A. Folliard-Monguiral, Les grands desseins du « Paquet Modèles », préc. : Propr. industr. 2025, étude 1).
Renversant la charge de la preuve, la directive et le règlement reviennent ici sur la jurisprudence Nokia/Philipps (CJUE, 1er déc. 2011, aff. C-495/09 et C-446/09 : Europe 2012, comm. 76, note F. Gazin) en permettant aux autorités douanières de procéder à des retenues de marchandises en transit, sans que le titulaire des droits n’ait à démontrer, comme l’avait exigé la Cour de justice, que celles-ci sont destinées à être commercialisées dans un État où leur vente est prohibée.
Sur le terrain procédural, les États membres pourront « prévoir une procédure administrative efficace et rapide devant leurs offices permettant de demander la nullité d’un dessin ou modèle enregistré » (art. 31 de la Directive). Comme en matière de marque, l’INPI sera désormais compétent pour statuer sur les actions en nullité (V. La nouvelle apparence du droit des dessins et modèles, par L. Munsch, chargé de mission à l’INPI : PIBD 2024, n° 1237, II, p. 1).
On s’interroge, enfin, sur l’utilité de certaines dispositions des nouveaux textes.
C’est ainsi que la directive complète la liste des utilisations autorisées en ajoutant les actes « accomplis à des fins […] de parodie » (Directive art. 18.1 e).
La question se posera probablement très peu en pratique et à notre connaissance, au cours de ces 20 dernières années, elle n’a donné lieu qu’à une seule décision en France (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 21 sept. 2012, n° 10/11630 : JurisData n° 2012-021857 ; Propr. industr. 2023, alerte 11, P. Greffe).
De même, il ne nous semble pas qu’il était nécessaire d’introduire comme motif de rejet et de nullité d’un dépôt, même de manière optionnelle, la notion « d’éléments appartenant au patrimoine culturel d’intérêt national » dont la définition est imprécise et donc source d’insécurité juridique (sur cette question, V. Propr. industr. 2024, M. Faessel. – A.-E. Kahn, Un an de droit de la mode : Propr. industr. 2025, chron. 2).

2. Jurisprudence

A.Dessin ou modèle de l’UE non enregistré – Présomption de titularité de droits

Dans un arrêt du 30 octobre 2014 (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 30 oct. 2024, n° 22/10977 : Propr. industr. 2025, comm. 8, P. Greffe), la cour d’appel de Paris confirme sa jurisprudence et fait application de la règle prétorienne de la présomption de titularité au droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés.
Selon la Cour, il se déduit des dispositions de l’article 14 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 « […] que la commercialisation non équivoque d’un modèle fait présumer à l’égard des tiers poursuivis en contrefaçon et en l’absence de toute revendication du créateur, que la personne morale qui justifie de cette commercialisation sous son nom et des modalités dans lesquelles elle la réalise est titulaire du modèle communautaire non enregistré ».
Cette solution ne peut qu’être approuvée tant il est vrai qu’en la matière, le recours à des actes de cession peut être délicat, sinon impossible (dans le même sens, CA Paris, pôle 5, ch. 1, 2 nov. 2022, n° 20/18672 : JurisData n° 2022-024017 ; Propr. industr. 2023, comm. 12, P. Greffe. – J.-C. Galloux et P. Kamina, Droit des dessins et modèles interne et communautaire : Dalloz, 27 juill. 2023, n° 27).

B. – Nullité de l’assignation : nécessité d’identifier l’œuvre revendiquée

Ni les idées, ni le genre n’étant protégeables, il appartient au demandeur à une action en contrefaçon de droit d’auteur d’identifier sur quel objet précis il fonde ses demandes en décrivant les caractéristiques des œuvres qu’il revendique.

Faute d’avoir suffisamment décrit les œuvres qu’il invoquait au titre de la contrefaçon du droit d’auteur, le demandeur a vu son assignation annulée par la cour d’appel sur le fondement de l’article 56 du Code de procédure civile (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 21 juin 2024, n° 23/05928 : JurisData n° 2024-013204).

C. – Divulgation – Délai de grâce

L’article 7.2 du règlement (CE) n° 6/2002 prévoit un délai de grâce de 12 mois, et renvoie explicitement aux articles 5 (nouveauté) et 6 (caractère individuel) du règlement.
Il en résulte qu’un modèle antérieur qui, sans être identique, produit la même impression globale que le modèle qui a été déposé dans les 12 mois de sa divulgation ne constitue pas une antériorité susceptible de remettre en cause la validité du dépôt (Trib. UE, 12 mars 2025, aff. T-66/24 : Propr. industr. 2025, comm. 41, P. Greffe).
Les nouvelles dispositions de la directive et du règlement du 23 octobre 2024 viennent consacrer cette solution (PE et Cons. UE, dir. (UE) 2024/2823, 23 oct. 2024, art. 6. – Et PE et Cons. UE, règl. (UE) 2024/2822, 23 oct. 2024, art. 7 : « Aux fins de l’application des articles 5 et 6, il n’est pas tenu compte d’une divulgation si le dessin ou modèle divulgué, qui est identique à un dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée au titre d’un dessin ou modèle de l’UE enregistré ou qui ne diffère pas de celui-ci par l’impression globale qu’il produit, a été divulgué au public : b) pendant la période de douze mois précédant la date de présentation de la demande d’enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée »).

D. – L’enveloppe Soleau

Depuis le 1er avril 2024, l’INPI a mis en place un nouveau portail e-Soleau.
Les déposants peuvent désormais, moyennant le règlement d’une redevance, proroger leur dépôt pendant 20 ans (Propr. industr. 2024, repère 8, C. Le Stanc. – Propr. industr. 2025, étude 3, O. Million de la Verteville, L. Cheneau, M. Daou et F. Pochart).
Par ailleurs, les dispositions de l’article R. 511-6 du Code de la propriété intellectuelle sont abrogées et l’article R. 411-1 du Code de la propriété intellectuelle se voit enrichi d’un nouveau paragraphe :
L’institut nationale de la propriété industrielle a notamment pour attribution :16° l’enregistrement et, le cas échéant, la conservation et la restitution d’enveloppes destinées à faciliter la preuve du contenu et la datation certaines des demandes annexes à la propriété industrielle, dans des conditions fixées par décision de son directeur général. Cette décision peut prévoir que ce dépôt, ainsi que toute transmission ou communication relative à cette procédure, s’effectue uniquement sous forme électronique.

E. – Œuvres collectives

L’existence d’un contrat de cession de droit de propriété intellectuelle ne saurait renverser la qualification d’œuvres collectives dans la mesure où la qualification juridique d’une œuvre relève exclusivement de la loi, telle qu’il appartient au juge de la déterminer.
La société Cartier revendiquait comme étant des œuvres collectives qui avaient été conçues sous sa direction, différentes créations de sa fameuse collection Panthère dont les droits lui avaient été cédés par une dessinatrice.
La société qu’elle poursuivait en contrefaçon avait soulevé l’irrecevabilité de Cartier à agir en contrefaçon, soutenant qu’il existerait « […] une contradiction de la société Cartier qui revendique que [les créations qu’elle invoque] sont des œuvres collectives mais aussi des œuvres individuelles dont les droits lui ont été cédés » et elle lui opposait la nullité des contrats de cession de droits d’auteur qui, selon elle, n’était pas « […] conforme aux dispositions d’ordre public du Code de la propriété intellectuelle et notamment de l’article L. 131-1 de ce code ».
La cour d’appel retient la qualification d’œuvres collectives en précisant que « La circonstance que la société Cartier a évoqué la cession des droits des œuvres individualisées de Madame [B] également prévu au contrat de travail […] ne remet nullement en cause la caractérisation d’œuvres collectives des créations opposées et les développements de [la défenderesse] sur la nullité de la cession des droits de Madame [B] à son employeur sont sans objet » (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 12 janv. 2024, n° 22/02206 : JurisData n° 2024-014167 ; Propr. industr. 2024, chron. 8, M. Faessel et F. Glaize ; Propr. industr. 2025, chron. 2, A.-E. Kahn).

F. – Cession implicite

La cour d’appel de Bordeaux a rappelé que la cession d’exploitation d’œuvres des arts appliqués n’était soumise à aucune exigence de forme, la cession pouvant résulter de la commune intention des parties (CA Bordeaux, 11 janv. 2024, n° 23/02805 : JurisData n° 2024-001054 ; JCP E 2024, 1132, J. Elkaim ; Propr. industr. 2025, nos obs., p. 44. – V. également, CA Paris, pôle 5, ch. 1, 11 janv. 2022, n° 20/15934 : JurisData n° 2022-003893 : « […] l’exigence d’un écrit, posée pour défendre les intérêts d’autbeloueurs, n’est qu’une règle de preuve et non de forme, opposable par l’auteur à l’exploitation de l’œuvre »).
La Cour a, au surplus, rappelé que les dispositions de l’article L. 131-3 du Code de propriété intellectuelle ne peuvent être invoquées que par l’auteur, personne physique, dans l’exercice de ses droits patrimoniaux à l’exclusion des conventions que peuvent conclure des sociétés commerciales cessionnaires des droits patrimoniaux de l’auteur avec leurs clients sous-exploitants.
Elles peuvent également être invoquées par une personne morale, mais dans le seul cas d’une œuvre collective, hypothèse où la personne morale est alors investie à titre originaire des droits d’auteur (V. dans le même sens, CA Paris, pôle 5, ch. 1, 18 nov. 2009, n° 08/08695 : JurisData n° 2009-017226 ; Propr. industr. 2010, comm. 10, P. Greffe).

G. – Procédure

Action en nullité – Communication des antériorités invoquées. – Le Tribunal de l’UE a rappelé, à deux reprises, que les antériorités invoquées dans le cadre d’une action en nullité devaient l’être au moment de la demande en nullité mais qu’il n’était plus possible « […] après avoir formé la demande en nullité, d’introduire dans la procédure d’autres dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle contesté » (Trib. UE, 2e ch., 21 févr. 2024, aff. T-82/23 : Propr. industr. 2024, chron. 8, M. Faessel. – Trib. UE, 6e ch., 13 déc. 2023, aff. T-10/23).
L’argument selon lequel « un tel procédé » qui autoriserait le demandeur en nullité à communiquer de nouvelles antériorités à tout moment de la procédure, « modifierait l’objet du litige, outre qu’il prolongerait la durée de la procédure » ne convainc pas.
En pratique, il est toujours difficile, pour ne pas dire impossible, de réunir dès le début de la procédure et de façon exhaustive des antériorités dont la recherche s’avère, le plus souvent, longue et fastidieuse.
Cette exigence procédurale est d’autant plus critiquable qu’elle emporte nécessairement le maintien de dépôts indûment enregistrés, ce qui est contraire au principe de libre concurrence.
C’est d’ailleurs pour éviter la perpétuation de tels dépôts que, depuis la loi n° 2019/486 du 22 mai 2019, l’action en nullité de dessin ou modèle, en France, n’est soumise à aucun délai de prescription (CPI, art. L. 521-3-2).
Action en nullité – Disclaimer. – Le Tribunal de l’UE a approuvé une décision de la chambre de recours de l’EUIPO ayant estimé que les éléments non revendiqués dans un dépôt de modèle antérieur invoqué au soutien d’une action en nullité, à savoir l’apparence d’une tige de chaussure figurant en pointillés dans le dépôt (disclaimer), doivent être pris en compte dans l’appréciation du caractère individuel du modèle contesté portant sur une chaussure complète (semelle et tige) (Trib. UE, 8 mai 2024, aff. T-757/22 et T-758/22 : JurisData n° 2024-008895 ; Propr. industr. 2024, chron. 8, M. Faessel et F. Glaize).
Le Tribunal de l’UE rappelle que le caractère individuel d’un modèle s’apprécie en tenant compte de l’art antérieur qui « […] correspond au patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit en cause qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle concerné ».
Il importe donc peu que le dépôt invoqué comme antériorité contienne des exclusions qui limitent sa protection, comme il importe peu qu’il ait été déclaré nul (Trib. UE, 16 juin 2021, aff. T-187/20 : Propr. industr. 2022, chron. 7, M. Faessel et F. Glaize ; Propr. industr. 2021, chron. 10, nos obs.), puisqu’il n’en demeure pas moins apte à « révéler l’état de l’art antérieur » du seul fait de sa divulgation.

H. – Originalité

Aménagement d’espaces intérieurs ou extérieurs. – L’esthétique industrielle peut modifier des espaces ou constituer une décoration intérieure ou extérieure.
Ces créations, qui sous l’empire des anciennes dispositions du droit des dessins et modèles, ne pouvaient faire l’objet d’un dépôt, sont désormais inclues dans le champ d’application de la nouvelle directive qui intègre comme « produit », susceptible de constituer un dessin ou modèle, « la disposition dans l’espace d’éléments destinés à former un environnement intérieur ou extérieur » (PE et Cons. UE, dir. (UE) 2024/2823, 23 oct. 2024, art. 2.4).
Ces nouvelles dispositions vont bénéficier aux architectures de magasins, à leurs aménagements intérieurs et extérieurs, qui seront ainsi mieux protégés.
Pour ce type de création, en effet, la protection par le droit d’auteur n’est pas toujours aisée, comme le montre un jugement récent du tribunal judiciaire de Paris qui a estimé qu’étaient dépourvus d’originalité tant l’habillage de la façade, que la verrière intérieure et les agencements intérieurs d’un magasin, la conjugaison de ces éléments architecturaux se limitant, selon le tribunal, « […] à inscrire la boutique dans les styles industriel et rétro américain en y ajoutant les éléments de charte graphique […], ce qui ne révèle aucun choix libre et créatif […]. L’agencement global de la boutique ne présente pas davantage de caractéristiques significatives de la personnalité de la demanderesse, l’originalité du concept architectural n’est pas caractérisée. Le concept architectural n’est donc pas protégé par le droit d’auteur » (TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 16 janv. 2025, n° 22/04993 : JurisData n° 2025-001999. – sur le terrain de la concurrence déloyale, V. CA Paris, pôle 5, ch. 1, 4 juill. 2017, n° 16/17046 : JurisData n° 2017-015263 ; Propr. industr. 2017, chron. 9, J. Larrieu. – CA Paris, 24 mai 2016, n° 15/06153 : JurisData n° 2016-010222 ; Propr. industr. 2016, comm. 56, J. Larrieu. – CA Paris, pôle 5, 2e ch., 16 avr. 2010, n° 09/00407).
Jurisprudence selon laquelle dans le domaine du droit d’auteur « la notion d’antériorité est inopérante ». – La cour d’appel a de nouveau jugé « […] que la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant justifier de ce que l’œuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur » (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 7 juin 2024, n° 23/08934 : JurisData n° 2024-011213).
On constate cependant que pour apprécier l’originalité, le juge procède toujours à un examen attentif et minutieux des antériorités qui lui sont proposées, comme le souligne une décision récente du tribunal en ces termes : « […] si la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, la production de ces pièces par la défenderesse, qui conteste l’originalité alléguée, peut néanmoins contribuer à l’appréciation d’un effort créatif » (TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 4 déc. 2024, n° 21/14778 : JurisData n° 2024-025452).
De même, selon la cour d’appel « Si la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’œuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur, l’originalité peut être appréciée au regard d’œuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’œuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur » (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 15 janv. 2025, n° 23/02543).
Et il est, en effet, difficile de concevoir une œuvre qui n’étant pas nouvelle serait cependant originale.
C’est ce qu’a rappelé en des termes excellents la cour d’appel de Nancy selon laquelle : « La Cour relève que si l’appréciation de la nouveauté d’une création et celle de son originalité procèdent de deux démarches distinctes, il demeure que pour prétendre à l’originalité, une œuvre doit se différencier de celles qui existent dans le même domaine. C’est l’existence de cette différence qui rend compte des choix délibérés et personnels effectués par l’auteur et permet d’apprécier si l’œuvre, considérée dans son ensemble, constitue ou non une création propre à celui-ci, éligible à la protection du droit d’auteur » (CA Nancy, 11 mars 2024, n° 22/01816 : JurisData n° 2024-015395 ; Propr. industr. 2025, comm. 40, P. Greffe).
Combinaison d’éléments. – Cette année encore, plusieurs décisions ont admis qu’une description complète, précise et objective de l’objet revendiqué pouvait être suffisante pour caractériser l’originalité, écartant ainsi toute appréciation fondée sur des explications subjectives de l’auteur.
Il est vrai qu’une telle approche (subjective), qui est parfois retenue par la jurisprudence (V. par ex., CA Paris, pôle 5, ch. 1, 30 oct. 2024, n° 22/10977, préc.) ne peut qu’être source d’insécurité juridique puisque l’originalité découle alors de l’expression d’un jugement de valeur, sinon d’une opinion, ce qui ne permet pas de délimiter le périmètre du droit revendiqué (Propr. industr. 2024, comm. 12, nos obs.).
S’agissant de la tête d’une poupée (consistant dans la combinaison des caractéristiques suivantes : visage ovale, grand front, yeux en amande, petit nez retroussé, lèvres charnues légèrement entrouvertes sur les dents, joues pleines et bombées, pommettes hautes, menton peu marqué), le tribunal estime que la demanderesse « expose, ainsi, suffisamment les choix opérés lors de la création de la tête “Barbie CEO”, étant rappelé que si l’auteur seul peut identifier les éléments traduisant l’expression de sa personnalité, il n’a pas à en expliquer la genèse » (TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 25 sept. 2024, n° 20/10053).
Un conditionnement a été protégé au titre du droit d’auteur, la Cour considérant que : « quand bien même chaque élément figurant sur le packaging, pris isolément ne reflèterait pas un pouvoir créatif immense, leur agencement et le choix des couleurs constituent des combinaisons graphiques uniques » (CA Rennes, 3e ch. com., 23 janv. 2024, n° 21/07485 : JurisData n° 2024-001618 ; Propr. industr. 2024, comm. 64, P. Greffe. – Dans le même sens, V. TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 14 juin 2024, n° 22/03302, qui protège au titre du droit d’auteur un packaging constitué de l’étiquette de bouteilles d’eau : « Plusieurs des caractéristiques de ce packaging prises individuellement sont certes communes à celui d’autres eaux minérales, comme le paysage de montagne en arrière-plan. Cependant, ces éléments sont ici associés à la mise en valeur de l’origine géographique de l’eau de […], traduite par l’incrustation dans les lettres de son nom, de l’emblème de couleur rouge de la région et par un double paysage, vallonné et montagnard encadrant cette dénomination. La typographie choisie et de manière générale, la composition de l’ensemble, reflètent un travail de recherche graphique, tendant à renforcer l’identité du produit. Les slogans écrits par l’auteur et les couleurs du packaging, mettent en valeur les qualités attribuées à l’eau de […] (fraîcheur, pureté…). La combinaison de ces éléments constitue une création originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur »).
Doit bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, un modèle de chaise présentant la combinaison d’éléments suivante : « une assise arrondie, recouverte d’un tissu clair d’aspect bouilli conférant à l’ensemble un effet molletonné ; un dossier constitué d’un cercle évidé présentant un effet également molletonné par l’usage du même tissu clair d’aspect bouilli ; une ceinture, des montants et un piètement parfaitement homogènes, réalisés en chaîne massif brossé de coloris clair et dotés de contours arrondis ; des pieds légèrement évasés vers le sol » (TJ Lille, 13 sept. 2024, n° 23/09494).
De même, s’agissant de turbans, la Cour a estimé que la combinaison des éléments les constituant leur conférait une physionomie particulière qui présentait un caractère original (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 20 déc. 2024, n° 23/06192).
Enfin, le tribunal judiciaire de Paris a protégé, au titre du droit d’auteur, les fameux modèles de sacs Kelly et Birkin de la société Hermès considérant que la combinaison de leurs caractéristiques de forme particulière, de détails des rabats et de leurs systèmes de fermeture témoignait de choix esthétiques « tels que des formes sobres et des ornements stylisés particuliers » et conférait à chacun des sacs une apparence singulière (TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 7 févr. 2025, n° 22/09210 : JurisData n° 2025-002726 ; JCP E 2025, 448, N. Marchand et M. De Combles De Nayves).

I. – Caractère individuel

Incidence de l’obtention d’un prix du design. – Pour tenter de démontrer que son modèle (de poignée de porte) était pourvu d’un caractère individuel, son titulaire avait invoqué un prix de design qu’il s’était vu décerner. En vain.
L’appréciation du caractère individuel est, rappelle le TUE, une question de droit et ne s’apprécie qu’au regard de l’article 6 du règlement (CE) n° 6/2002.
Confirmant sa jurisprudence, le Tribunal estime que l’obtention d’un tel prix est donc sans incidence « puisqu’un tel élément ne donne aucune indication quant à l’impression globale [du] dessin ou modèle sur l’utilisateur averti » et il « ne constitue pas, dès lors, un élément pertinent pour l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle au regard des prescriptions de l’article 6 du règlement n° 6/2002 » (Trib. UE, 10 avr. 2024, aff. T-654/22 : Propr. industr. 2024, comm. 75, N. Kapyrina).
Degré de liberté. – La Cour a considéré que le degré de liberté du créateur est restreint pour des captures d’écran d’interfaces de jeux vidéo dits « hype casual » de sorte que l’utilisateur averti sera davantage attentif aux détails.
Il existait des différences suffisamment importantes entre les décors en conflit pour produire une impression globale différente et la contrefaçon a, en conséquence, été écartée (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 7 juin 2024, n° 23/08934 : JurisData n° 2024-011213).

J. – Preuve de la contrefaçon

Force probante des captures d’écran. – La contrefaçon constituant un fait juridique dont la réalité peut être prouvée par tous moyens, il en résulte qu’elle peut l’être par de simples captures d’écran sur Internet qui, comme l’a encore rappelé la cour d’appel, ne sont pas dépourvues de force probante (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 26 avr. 2024, n° 22/14798. – Dans le même sens, Cass. com., 7 juill. 2021, n° 20-22.048 : JurisData n° 2021-011201 ; JCP E 2022, 222, N. Binctin ; JCP E 2021, act. 530).
Constat d’achat. – Dans son arrêt du 12 mai 2025 (Cass. ch. mixte, 12 mai 2025, n° 22-20.739 : JurisData n° 2025-006436 ; JCP G 2025, act. 592), la Cour de cassation revient sur la solution qu’elle avait précédemment adoptée en 2017 dans laquelle elle avait posé comme principe que « le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales commandait que la personne qui assistait l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante » (Cass. 1re civ., 25 janv. 2017, n° 15-25.210 : JurisData n° 2017-000971).
Cette jurisprudence avait fait l’objet de vives critiques, comme le relève la Haute Juridiction en ces termes : elle « […] a suscité des divergences d’application parmi les juges du fond et des critiques de la part de la doctrine et de praticiens, qui ont souligné sa rigueur excessive et le fait qu’elle postule un risque non justifié de manipulation des preuves à l’intérieur du magasin ».
Il importe donc peu de savoir si l’acheteur est ou non indépendant du requérant contrairement à ce qu’avait estimé la 1re chambre civile de la Cour dans son arrêt de 2017, et « il y a lieu de juger désormais que l’absence de garanties suffisantes d’indépendance du tiers acheteur à l’égard du requérant n’est pas de nature à entraîner la nullité du constat d’achat. Dans un tel cas, il appartient au juge d’apprécier si, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis, ce défaut d’indépendance affecte la valeur probante du constat ».
Saisie-contrefaçon – Nullité partielle. – Lorsqu’un commissaire de justice outrepasse sa mission en ne respectant pas les termes de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon, son procès-verbal encourt très certainement la nullité.
Il s’agit alors de savoir si le procès-verbal doit être annulé dans sa totalité, ou seulement en partie en n’écartant que les seules mentions qui se rapportent à l’irrégularité commise par le commissaire.
Dans un arrêt de principe qu’elle a rendu le 14 novembre 2024, la Cour de cassation casse un arrêt d’appel qui avait prononcé l’annulation d’un procès-verbal de saisie dans son intégralité : « En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l’irrégularité retenue avait affecté l’ensemble des mesures retenues, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale » (Cass. com., 14 nov. 2024, n° 22-20.447 : JurisData n° 2024-020438 ; Comm. com. électr. 2025, comm. 19, note P. Kamina ; JCP G 2025, doctr. 415, N. Binctin ; Propr. industr. 2025, comm. 17, N. Bouche).
Cette solution ne peut qu’être approuvée.
Il serait contraire à l’équité d’annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon dans toutes ses dispositions pour une simple irrégularité qui n’en affecte qu’une partie.
Il nous semble, de surcroît, que cette décision est conforme à l’esprit de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle selon laquelle : « Étant donné que la preuve est un élément capital pour l’établissement de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, il convient de veiller à ce que des moyens de présenter, d’obtenir et de conserver les éléments de preuve existent effectivement […] » (PE et Cons. UE, dir. 2004/48/CE, 29 avr. 2004, cons. 20).

K. – Contrefaçon

Dépôt contrefaisant. – Le dépôt d’un dessin ou modèle en violation d’un droit d’auteur antérieur constitue un acte de contrefaçon qui justifie l’annulation du dépôt (CA Nancy, 11 mars 2024, n° 22/01816 : JurisData n° 2024-015395 ; Propr. industr. 2025, comm. 40, P. Greffe) en application de l’article L. 122-4 qui prévoit que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
C’est la solution inverse qui prévaut en droit des marques.
Selon la jurisprudence, en effet, la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services (Cass. com., 13 oct. 2021, n° 19-20.959 : JurisData n° 2021-016497 ; Propr. industr. 2022, comm. 10, P. Tréfigny ; Comm. com. électr. 2022, comm. 2, P. Kamina).
Combinaison d’éléments. – Pour les créations dont l’originalité consiste en une combinaison d’éléments, l’atteinte aux droits d’auteur ne peut consister qu’en une reproduction de la combinaison, tandis que la reproduction des mêmes éléments non combinés n’est pas constitutive de contrefaçon, ces derniers pris séparément ne bénéficiant d’aucune protection.
L’appréciation de la contrefaçon doit donc s’effectuer, pour ce type de créations, de façon synthétique et non de manière analytique.
C’est ce qu’a rappelé la cour d’appel en écartant la contrefaçon de deux modèles de sacs au motif que les sacs incriminés ne reprenaient « […] pas les éléments caractéristiques des sacs [revendiqués] dans une combinaison identique ou à tout le moins une combinaison reprenant dans un même agencement les éléments caractéristiques » (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 14 juin 2024, n° 22/20621 : JurisData n° 2024-009886 ; Propr. industr. 2024, comm. 63, nos obs.).
NFT. – S’estimant victime de contrefaçon de ses sacs Kelly et Birkin, la société Hermès a poursuivi en contrefaçon une société qui commercialisait des sacs identiques, sur son site internet et les réseaux sociaux, ainsi qu’un NFT (Non Fongible Token) correspondant à leur image.
Dans son jugement précité du 7 février 2025 (TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 7 févr. 2025, n° 22/09210 : JurisData n° 2025-002726), le tribunal retient que les modèles argués de contrefaçon reprenaient les mêmes caractéristiques que celles des sacs Kelly et Birkin, les dissemblances tenant au choix du tissu et des motifs apparaissant à ce titre, indifférents, la contrefaçon s’appréciant par rapport aux ressemblances et non aux différences.
La contrefaçon est donc caractérisée pour les sacs qui ont été proposés à la vente et effectivement vendus.
Elle l’est également pour les NFT les représentant et c’est, à notre connaissance, la première fois qu’une juridiction française se prononce sur cette question.

L. – Responsabilité

Garantie d’éviction. – Il est de principe que la garantie d’éviction est due par tout cédant d’un droit de propriété, corporel ou incorporel, sauf à établir que le cessionnaire a participé aux actes de contrefaçon en mettant en vente un produit qu’il savait contrefait. La seule qualité de professionnel de l’acquéreur ne peut suffire à exclure l’action en garantie dirigée contre le vendeur, s’il n’est pas constaté qu’il avait une connaissance effective de l’existence de la contrefaçon (Cass. 1re civ., 13 mars 2008, n° 06-20.152 : JurisData n° 2008-043125. – Cass. com., 5 juin 2019, n° 16-25.110 : JCP G 2020, doctr. 360, N. Binctin).
Le tribunal judiciaire de Marseille a ainsi jugé qu’une entreprise ayant acquis un visuel jugé contrefaisant est bien fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 1626 du Code civil et à appeler en garantie l’illustratrice qui le lui avait livré sans mentionner la provenance, le titre ni l’auteur de l’œuvre contrefaite qu’elle avait reproduite sans son autorisation (TJ Marseille, 1re ch. civ., 29 févr. 2024, n° 22/02594 : JurisData n° 2024-006893).
Responsabilité du dirigeant. – La responsabilité d’un dirigeant de société peut être engagée, sur le terrain civil, s’il est démontré qu’il a commis une faute personnelle séparable de ses fonctions.
Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité dans des conditions qui sont incompatibles avec l’exercice normal de ses fonctions.
La cour d’appel de Lyon a estimé qu’il se déduisait de la « taille très modeste » d’une société que son président avait nécessairement participé aux actes de contrefaçon, ce d’autant que ces agissements s’étaient poursuivis alors qu’il avait été personnellement informé des droits revendiqués, en l’occurrence par la société Hermès, dont trois dessins avaient été reproduits (TJ Lyon, 7 janv. 2025, n° 23/03036 : Propr. industr. 2025, chron. 2, A.-E. Kahn).
Procédure de signalement. – Il convient d’être prudent lorsque l’on effectue des signalements pour contrefaçon sur les réseaux sociaux ou les marketplaces afin d’obtenir la suppression de publications ou de post, voire de comptes, alors que les faits argués de contrefaçon n’ont pas encore donné lieu à une décision de justice.
Les sociétés Panerai et Cartier l’ont appris à leurs dépens, la cour d’appel les ayant condamnées à des dommages et intérêts pour avoir demandé la fermeture du compte Instagram et la suppression de publications Facebook de la société qu’elles avaient poursuivie en contrefaçon, estimant qu’elles avaient anticipé « […] une décision de justice à leurs risques et périls alors qu’elles étaient […] déboutées de l’ensemble de leurs demandes sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et parasitaire » (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 5 juin 2024, n° 22/06786 : JurisData n° 2024-009297 ; Propr. industr. 2024, chron. 11, J. Larrieu).

M. – Arrêt de la Cour de justice du 24 octobre 2024, aff. C-227/23 – Condamnation des dispositions de l’article 2, § 7 de la convention de Berne

L’article 2, § 7 de la convention de Berne dispose :
Il est réservé aux législations des pays de l’Union de régler le champ d’application des lois concernant les œuvres des arts appliqués et les dessins et modèles industriels, ainsi que les conditions de protection de ces œuvres, dessins et modèles, compte tenu des dispositions de l’article 7.4) de la présente Convention. Pour les œuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d’origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l’Union que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles ; toutefois, si une telle protection spéciale n’est pas accordée dans ce pays, ces œuvres seront protégées comme œuvres artistiques.
En vertu de ce texte, lorsqu’une œuvre n’était protégée que comme dessin ou modèle dans son pays d’origine, les autres États unionistes devaient la protéger à ce titre, mais pouvaient refuser de la protéger au titre du droit d’auteur.
Les tribunaux ont eu l’occasion d’appliquer ces dispositions à maintes reprises et de refuser, en conséquence, toute protection au titre du droit d’auteur à un modèle ne bénéficiant pas dans son pays d’origine de la protection à ce titre.
C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé que les modèles de chaise Knoll, notoirement connus, n’étaient pas protégeables en France au titre du droit d’auteur, la loi du pays d’origine des modèles, en l’espèce les États-Unis, ne les protégeant pas au titre du copyright, leur accordant sa protection au titre du droit spécial des dessins et modèles, à condition que ces derniers aient été déposés (Cass. 1re civ., 7 oct. 2020, n° 18-19.441 : JurisData n° 2020-015933 ; Propr. industr. 2020, comm. 71, N. Kapyrina ; JCP G 2021, doctr. 365, N. Binctin ; JCP E 2021, 1239, A. Portron ; JCP E 2021, 1440, N. Binctin, L. Amrane, D. Bourgerol, F. Chérigny, M.-E. Laporte-Legeais, T. Petelin, A. Portron, A. Zollinger).
Une première décision de la Cour de justice avait limité la portée de l’article 2, § 7 de la convention de Berne en jugeant qu’il ne pouvait s’appliquer aux citoyens de l’Union européenne (CJCE, 30 juin 2005, aff. C-28/04 : Propr. industr. 2005, comm. 67, P. Kamina ; Comm. com. électr. 2005, comm. 133, C. Caron).
Dans son arrêt du 24 octobre 2024, la Cour de justice sonne le glas de cette disposition qui ne s’appliquera désormais plus pour les œuvres ayant pour origine un État tiers à l’UE et des auteurs non ressortissants de l’Union (CJUE, 1re ch., 24 oct. 2024, aff. C-227/23 : JurisData n° 2024-019490 ; Propr. industr. 2025, chron. 2, § 18, A.-E. Kahn. – P. Léger, Propriété littéraire et artistique, Panorama janv. 2024-déc. 2024 : Dalloz, 27 févr. 2025, n° 360).
Comme l’a souligné un auteur, en condamnant la règle de réciprocité de l’article 2, § 7, cet arrêt, rendu sur le fondement des dispositions de la directive 2001/29/CE et de l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, offre « […] une protection large aux titulaires de droits sur des œuvres de l’art appliqué en provenance de pays, comme les États-Unis, qui ne protègent pas en retour les auteurs d’œuvres européennes » et porte ainsi « atteinte aux intérêts de l’industrie européenne du design, sur le territoire européen, mais également aux États-Unis en retirant l’incitation à relever le niveau de protection des œuvres de l’art appliqué » (P. Kamina, La CJUE neutralise la règle de réciprocité de l’article 2 § 7 de la convention de Berne pour les œuvres ayant pour origine un pays tiers à l’EEE : Comm. com. électr. 2025, comm. 1).

N. – Parasitisme

Dans deux arrêts qu’elle a rendus le même jour, le 26 juin 2024, la Cour de cassation a apporté quelques précisions sur la notion de parasitisme (Cass. com., 26 juin 2024, n° 22-17.647 et 22-21.497, Decathlon c/ Phoenix Group GmbH et Intersport : JurisData n° 2024-009892 ; Propr. industr. 2024, comm. 64, J. Larrieu ; JCP G 2025, doctr. 215, N. Binctin ; JCP E 2025, 1086, G. Decocq, A.-L.-H. des Ylouses, R. Ferla, M. Dumarçay, A. Ballot-Léna. – Cass. com., 26 juin 2024, n° 23-13.535, Maison du Monde c/ Auchan et a. : JurisData n° 2024-009901 ; Propr. industr. 2024, chron. 11, J. Larrieu ; Propr. industr. 2024, comm. 64, J. Larrieu ; Contrats, conc. consom. 2024, comm. 147, M. Malaurie-Vignal).
La Haute Juridiction rappelle que « le parasitisme est une forme de déloyauté, constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété ou des investissements consentis ».
Il incombe, précise-t-elle, à celui qui se prétend victime de parasitisme économique d’établir que les éléments constitutifs de ce comportement sont réunis : « Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque, ainsi que la volonté d’un tiers de se placer dans son sillage. »
La Cour de cassation précise, enfin, que « le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit » et que l’invocation du parasitisme par une entreprise ne peut avoir pour effet de lui conférer un droit exclusif sur une idée, « les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme ».
Dès lors, pour que soit assuré un minimum de sécurité juridique et que soit respecté le principe fondamental de la liberté du commerce et de l’industrie, il convient de n’appliquer cette notion que dans des hypothèses concernant des commerçants ou des industriels justifiant d’une notoriété acquise, à la suite d’importants investissements, notamment publicitaires.
C’est ainsi qu’au cours de l’année écoulée, le caractère parasitaire du comportement de sociétés ayant commercialisé des modèles de « slingback » reprenant les caractéristiques des modèles de Chanel a été reconnu.
L’impression visuelle d’ensemble entre les deux chaussures est très proche, les sociétés poursuivies par Chanel ayant « en outre choisi de décliner leur “slingback” bicolore beige/noir en deux versions – à talons bas et à talons hauts – à l’instar des sociétés Chanel » (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 16 oct. 2024, n° 22/19513).
La cour d’appel a, par ailleurs, rappelé que le parasitisme doit s’apprécier au regard d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité car c’est très souvent l’accumulation des reprises qui devient fautive.
Ainsi, les fortes similitudes d’une collection de parfums avec les flacons de parfums de la collection privée Christian Dior, leurs bouchons, leurs packagings et leur présentation, ne peuvent être le fruit du hasard et ce « cumul ainsi constaté » de reprises caractérise des actes de parasitisme (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 12 févr. 2025, n° 23/01283).
La cour d’appel a, par ailleurs, rappelé que les investissements du parasite sont indifférents et a condamné à ce titre une société qui commercialisait des bijoux en forme de serpent, animal emblématique de la société Bulgari (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 31 janv. 2025, n° 23/05552. – Dans le même sens, CA Paris, pôle 5, ch. 2, 16 déc. 2022, n° 21/01469).
Selon la Cour, « […] en commercialisant trente bijoux en forme de serpents ou comportant une tête de serpent, déclinés en bracelets, bagues ou boucles d’oreille, qui, s’ils ne constituent pas des reproductions intégrales ou partielles des bijoux Bulgari, s’en inspirent sensiblement, la société APM a cherché à se placer dans le sillage des société Bulgari et à profiter indûment des investissements réalisés et de la notoriété acquise par la collection “Serpenti”, ce quand bien même d’autres joaillers de renom commercialisent également des bijoux différents reprenant le thème du serpent sur lequel la société Bulgari SpA ne revendique aucune exclusivité, ni monopole. Les agissements fautifs de la société APM sont ainsi caractérisés, les propres investissements de la société APM étant à cet égard indifférents ».

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